Les AirPods Pro 3 sont impossibles à réparer : de vrais écouteurs jetables

Les AirPods Pro 3 sont impossibles à réparer : de vrais écouteurs jetables

Tout nouveaux, tout beaux, mais irréparables : c'est le verdict sans appel d'iFixit, qui a démonté et examiné les AirPods Pro 3. Et qui critique vertement les choix et la politique d'Apple en termes de conception et de durabilité.

Depuis leur lancement, les AirPods fascinent autant qu'ils irritent. Leur succès commercial est indéniable : ils dominent largement le marché des écouteurs sans fil. Pourtant, à chaque génération, un même reproche revient. Derrière la qualité audio, la finition impeccable et le confort d'utilisation, ces écouteurs sont conçus pour être jetés. Les AirPods Pro 3, sortis il y a quelques jours en même temps que les iPhone 17, n'échappent pas à la règle.

Le site spécialisé iFixit, référence mondiale en matière de démontage et d'évaluation de réparabilité, n'a pas mâché ses mots. Après avoir tenté de désassembler le nouveau modèle, son équipe a conclu que la tâche relevait de la mission impossible. Résultat : une note de 0 sur 10, la pire possible. Dans un rapport édifiant, la directrice des analyses, Elizabeth Chamberlain, parle de "tragédie" et de produits "conçus pour être jetables".

AirPods Pro 3 : un démontage qui vire au carnage

Pourquoi un tel constat ? Tout simplement parce qu'ouvrir un AirPod relève du casse-tête mécanique. Le boîtier est scellé avec de la colle, les composants sont soudés et collés entre eux, les câbles sont fragiles et placés de manière à compliquer toute tentative de réparation. iFixit explique avoir dû chauffer l'écouteur, forcer son ouverture avec des outils pointus, décoller une batterie solidement fixée… pour finalement casser plusieurs pièces et se retrouver avec un appareil inutilisable.

La situation n'est guère meilleure pour le boîtier de recharge. Cette année, Apple est passé d'un double pack de batteries à une seule cellule. Mais cette nouvelle conception ne rend pas la maintenance plus accessible. iFixit a tenté de l'ouvrir, sans succès, avant de devoir admettre que la batterie était "complètement inaccessible".

Le problème central réside dans la batterie. Comme toutes les cellules lithium-ion, celles des AirPods ont une durée de vie limitée. Après environ 500 cycles de charge — soit deux à trois ans d'utilisation régulière — l'autonomie commence à fondre. Sur un appareil pensé pour accompagner l'utilisateur au quotidien, cela devient vite gênant.

En théorie, Apple propose un remplacement de batterie. Mais dans la pratique, ce "service" coûte près de 100 euros pour une paire d'écouteurs valant 249 euros neufs. Dans de nombreux cas, il ne s'agit même pas de remplacer la batterie mais de fournir une nouvelle paire, l'ancienne étant envoyée au recyclage. Un calcul économique évident pousse donc les consommateurs à racheter directement le dernier modèle, plutôt que d'investir dans une réparation coûteuse et incertaine.

© iFixIt

AirPods Pro 3 : les choix délibérés d'Apple

Apple avance deux arguments pour défendre ces choix de conception. Le premier est l'étanchéité. Les AirPods Pro 3 sont certifiés IP57, une amélioration notable qui leur permet de mieux résister à l'eau et à la transpiration. Pour atteindre ce niveau, la marque a recours à des joints, de la colle et des assemblages très serrés, ce qui complique l'accès aux composants internes.

Le second est l'intégration de nouveaux capteurs, notamment un système de suivi de la fréquence cardiaque. Ajouter de tels éléments dans un espace minuscule nécessite des compromis de conception. Mais pour iFixit, ces arguments ne tiennent pas : d'autres constructeurs, comme Fairphone avec ses Fairbuds, parviennent à combiner miniaturisation et réparabilité, quitte à sacrifier une partie de l'étanchéité. Apple a donc fait un choix délibéré en privilégiant les performances et la compacité au détriment de la durabilité.

Ce constat est d'autant plus troublant que la firme de Cupertino aime se présenter comme un modèle écologique. Ses keynotes regorgent de promesses sur la neutralité carbone, les emballages sans plastique et l'utilisation de matériaux recyclés. Mais la réparabilité, pourtant au cœur d'une vraie démarche durable, reste son talon d'Achille. Recycler un appareil complet nécessite beaucoup plus de ressources que de simplement remplacer une batterie.

Le paradoxe est donc criant : d'un côté, Apple multiplie les annonces en faveur de la planète ; de l'autre, elle conçoit des produits qui deviennent des déchets électroniques programmés au bout de quelques années. Une contradiction qui n'échappe pas aux ONG comme aux autorités de régulation.

AirPods Pro 3 : jeter et racheter

En Europe, la question du droit à la réparation progresse. Une directive entrée en vigueur en 2024 impose déjà aux fabricants de smartphones et de tablettes de fournir des pièces détachées pendant plusieurs années. Mais les écouteurs sans fil restent largement exclus de ces obligations. La Commission européenne envisage d'étendre ces règles aux petits appareils électroniques, ce qui mettrait Apple face à un dilemme : rendre ses AirPods réparables, ou assumer des sanctions financières.

En France, l'indice de réparabilité doit être affiché sur les produits depuis 2021. S'il était appliqué aux AirPods Pro 3, il serait probablement catastrophique, ce qui pourrait influencer certains consommateurs. Mais le pouvoir d'attraction de la marque est tel que beaucoup continueront sans doute à acheter, malgré les critiques.

En réalité, Apple n'a aucun intérêt financier à rendre ses écouteurs réparables. Les AirPods représentent un marché colossal, avec des marges confortables. Permettre un remplacement facile de la batterie réduirait mécaniquement les ventes de nouveaux modèles. En verrouillant la conception, l'entreprise s'assure d'un flux constant de renouvellement.

Le cas des AirPods illustre une stratégie parfaitement rodée : proposer un produit séduisant, indispensable pour beaucoup d'utilisateurs d'iPhone, mais condamné à devenir obsolète par conception. L'innovation technique masque une logique commerciale implacable, où l'écologie ne pèse pas bien lourd face à la rentabilité.

Face à cette logique, quelques acteurs tentent d'offrir une autre voie. Les Fairbuds de Fairphone, vendus à 129 euros, sont conçus pour être démontés facilement et durer plus longtemps. Certains modèles Samsung permettent également des réparations basiques. Ces initiatives restent minoritaires mais prouvent que concevoir des écouteurs réparables n'est pas une utopie.

Tant que la réglementation ne contraindra pas les géants de l'électronique ou que les consommateurs n'exigeront pas massivement une meilleure durabilité, les AirPods resteront des objets de grande consommation aussi éphémères qu'un smartphone moyen. Sauf qu'à 249 euros la paire, l'addition est salée, pour le portefeuille comme pour la planète.